IL N'Y AURA BIENTOT PLUS DE TIGRE

Une mauvaise réputation, les tigres mangeurs d'hommes:

Les tigres n'apprécient absolument pas la chair humaine à laquelle ils préfèrent cent fois, au risque d'avoir le museau ensanglanté, celle du porc épic. Ne s'attaquent à l'homme que les bêtes âgées, infirmes ou blessées, et celles qui, rejetées hors de leurs terrains de chasse par la sécheresse ou la disparition des forêts ne peuvent plus satisfaire leur faim.

Il est vrai que des tigres sont allés jusqu'à pénétrer furtivement dans les villages pour s'attaquer aux habitants, mais de telles incursions étaient, Dieu merci, très rares, et ne se sont produites que lorsque sévissait une extrême famine.

Il est vrai que des tigres sont allés jusqu'à pénétrer furtivement dans les villages pour s'attaquer aux habitants, mais de telles incursions étaient, Dieu merci, très rares, et ne se sont produites que lorsque sévissait une extrême famine.

Les auteurs à sensation ont collectionné à plaisir des récits ± authentiques de tigres mangeurs d'hommes dans plusieurs siècles d'histoire et les ont entassés dans de nombreux ouvrages qui ont largement encouragé un massacre systématique, destiné, d'une part, à satisfaire les bas instincts de personnages souvent désœuvrés et vaniteux; et, d'autre part, à remplir les poches d'aventuriers sans scrupules.

En outre, ces auteurs à sensation omettent, la plupart du temps, de préciser dans leurs statistiques que parmi les victimes des tigres figurent beaucoup de chasseurs tués par des tigres blessés. En fait, on pourrait dire que dans ces cas-là, les tigres étaient en état de légitime défense.

Un collectionneur de crânes de tigres réputés comme dévoreurs de chair humaine, écrit dans ses Mémoires que pratiquement tous les spécimens figurant dans sa collection (817 crânes) portaient des traces de blessures, soit volontaires, soit accidentelles, qui les mettaient hors d'état de chasser de façon normale. C'est ce qui expliquait leur comportement.

Le massacre des Innocents

Les statistiques publiées au siècle dernier par les autorités anglaises, en Inde, sont pour le moins impressionnantes et édifiantes. Ainsi il est relaté: en 1877, 81 hommes furent égorgés prétendument par des tigres, en 1878, il s'ensuivit une monumentale battue, qui fit une hécatombe de fauves, pour la plupart innocents. Cette tuerie qui dura 49 jours, faite sans discernement dans l'année citée laissa 6.947 tigres sur le terrain.

En Inde, la plupart des habitants de la jungle possèdent des armes à feu et, détruisant les animaux sauvages du pays, réduisent les ressources de gibier dont les grands félins disposaient autrefois. Affamés, les fauves font parfois des incursions dans les agglomérations et il en résulte que les villageois exterminent un grand nombre de tigres en empoisonnant des carcasses d'animaux.

Devant les protestations des autorités, les paysans prétendent qu'il ne s'agit que d'une mesure de protection, mais ce n'est qu'un prétexte pour vendre à un très bon prix les peaux des pauvres tigres massacrés. Le prix élevé offerts pour ces somptueuses dépouilles encourage les braconniers et menace l'extermination totale d'une des plus belles bêtes qui existe au monde.

Depuis 1970, la bataille est engagée pour sauver les derniers tigres. En Inde, la chasse au tigre est désormais sévèrement réglementée, mais les braconniers subsistent et sont légion, mais en dernier lieu se sont les demandeurs collectionneurs de descentes de lits "bien souvent européen», qui sont les véritables responsables de ces massacres.

L'Union Internationale pour la protection de la nature, affirme que le nombre de tigres braconnés ou tués dans les chasses officielles est supérieur au nombre de naissances et que si rien de sérieux n'est entrepris, dans 25 ans, il n'y aura plus un seul tigre aux Indes. Il s'agit pourtant, et de loin, de la population la plus importante de tigres qui soit au monde.

il n'y aura plus un seul tigre aux Indes. Il s'agit pourtant, et de loin, de la population la plus importante de tigres qui soit au monde.

Un roi de la jungle

Le tigre est, par excellence, le maitre incontesté de la jungle, éblouissant de beauté et de puissance. Certains lui reconnaissent la supériorité sur le lion, et en font le véritable roi des animaux. Ce splendide quadrupède de 250 à 300 kilos et 3 mètres de long est véritablement un ornement de la nature, avec sa robe d'or rouillée, sur laquelle les rayures noires se détachent aussi nettement que si elles étaient peintes à l'encre de Chine. Parcourant la brousse d'un mouvement onduleux et souple, pas un muscle ne tressaille dans ce corps superbe débordant de beauté et d'énergie. Le tigre possède une force étonnante. Il est capable de traîner un bovin d'une 1/2 -tonne sur de très longues distances et terrasser un buffle de près d'une tonne en un temps record. Il est capable de faire des sauts à la verticale de 5 mètres et de plus de 1 0 mètres en longueur; il possède une acuité auditive et une vision parfaites, qui, associées à sa puissance musculaire, sa souplesse, sa ruse et sa rapidité, en font le roi incontesté de la jungle. Un roi qui se meurt.

Les rapports établis en Inde mentionnent une moyenne de 650 tigres braconnés par an. Le recensement de 1986 en dénombre moins de 20.000. On est forcé de constater que bientôt, il ne devrait plus en survivre un seul.

Le tigre dans le monde

On compte huit races différentes de tigres réparties en Asie. Toutes les 8 sont inscrites «au livre rouge du monde animal menacé»

Voici à titre indicatif :

Le tigre de Bali: a totalement disparu, la race est éteinte.

Le tigre de Java: il en reste quelques spécimens, l'extinction est inévitable avant l'an 2000.

Le tigre de la Caspienne: environ une quinzaine, extinction sûre avant l'an 2000.

Le tigre de Chine: moins de 60, extinction plus que probable.

Le tigre de Sibérie: 60 spécimens recensés en 1978; le dernier recensement de 1988 fait état de plus de 90 bêtes; espoirs possibles si les mesures de conservation sont suivies.

Le tigre de Sumatra: moins de 100 : extinction possible sous peu.

Le tigre d'Indochine: ± 2.000.

Les tigres d'Indochine et de l'Inde pourraient être sauvés si leur protection continue à être efficace. Mais la chasse au tigre fait partie intégrante du folklore hindou, soit à la mode du pays, du haut d'un éléphant, soit la chasse à l'européenne, à l'affût d'un mirador, avec ou sans l'appât d'une chèvre attachée à bonne portée et les coutumes ancrées dans les mœurs folkloriques sont toujours très dures à déraciner.

L. LIEGEOIS